Après une longue hésitation, des amis m’ont convaincu de publier mes carnets de voyage. C’est donc ici qu’ils prendront place, au moins ce blog servira à quelque chose ! Ces carnets sont issus des notes que je prends presque quotidiennement en voyage (souvent dans les transports) et relatent les expériences heureuses ou malheureuses, les moments partagés avec les rencontres de passages, les visites etc. C’est ainsi l’occasion pour vous de découvrir ce qui se cache derrière les beaux clichés que je peux ramener. La réalité est souvent plus dure ! Je m’attarde souvent à décrire et raconter l’histoire des lieux et villes que je traverse ainsi que la personnalité des personnes que je rencontre et la vie quotidienne du backpacker.

Que ces récits servent d'expériences à tous les voyageurs itinérants comme moi qui aiment parcourir le monde.

30.7.08

Enjeux et lutte d'influence en Asie Centrale

Quoi de plus naturel pour un géographe curieux de s’intéresser aux lieux les plus méconnus et reculés de notre système-monde ? Union Européenne, Chine, Russie, Moyen-Orient font régulièrement la une de l’actualité, oui mais il y a quoi au milieu ? Voici donc le cœur de cet article en même temps que le cœur du continent Asiatique. Parcouru par les mongols puis conquis par l’Empire Ottoman, ces territoires furent ensuite intégrés à l’Union Soviétique. La chute de l’URSS accouchera du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Turkménistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan. Ces jeunes pays caractérisés par un enclavement handicapant sont indépendants depuis bientôt 20 ans mais encore soumis a de fortes influences étrangères car ils sont le point de contact entre la Chine, la Russie et le Moyen-Orient et possèdent des ressources très convoitées !


Entre tradition et modernité : les nouveaux quartiers d'Ashgabat (en haut) et la place Registan à Samarcande (en bas)



I Enjeux et puissances mondiales autour de l’Asie Centrale
L’Asie Centrale est une région stratégique car elle constitue un carrefour énergétique entre les ressources du Moyen-Orient et de la Caspienne et les foyers de consommation Européens, Russes et récemment Chinois ! La Russie qui possédait l’intégralité des ressources autour de la Caspienne voit peu à peu celles-ci lui échapper. En effet le gaz et le pétrole constituent un moyen d’acquérir une certaine indépendance pour l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Kazakhstan. Ainsi l’entreprise américaine Chevron a acquit 50% du gisement de Tenguiz au Kazakhstan en 1993 et fait concurrence à Gazprom le leader mondial russe dans le transport et la production de gaz. La Russie qui contrôlait tous les oléoducs des nouveaux pays indépendant souffre maintenant de projets court-circuitant le passage sur son territoire. La perte d’influence est notable et les anciennes républiques soviétiques ouvrent peu à peu leur marché aux consommateurs Européens, Etats-uniens et chinois. Chaque puissance tente donc d’échanger directement avec les pays pétroliers et gaziers en élaborant de nombreux projets d’oléoducs contournant la Russie (notamment par la mer Caspienne vers les pays du Caucase). Carte « Grand jeu » autour du pétrole et du gaz.
Cependant la Russie reste l’acteur économique majeur dans la région car elle détient 25% du marché du gaz européen et sait se faire entendre comme lors de la crise du gaz en 2006 avec l’Ukraine.

Dés le démantèlement de l’URSS, l’Europe a essayé de s’intégrer dans le développement des Républiques d’Asie Centrale par des grands projets de rénovation des infrastructures de transport ne passant pas par le réseau Russe. L’Union Européenne lance en 1993 le projet Transport Corridor Europe-Caucasus-Asia (Traceca). Ce corridor Eurasien est censé développer des relations économiques et diplomatiques de tous les pays d’Asie Centrale directement avec l’Europe notamment par une intégration douanière entre ces pays. De 1996 à 2006, 15 projets ont été financé par divers banques internationales (la Banque Mondiale, la Banque Asiatique au Développement, la Banque Islamique au Développement et la Banque Européenne de reconstruction économique) à hauteur de 160 millions d’euros.

Les Etats-Unis sont de plus en plus présent en Asie Centrale par leurs investissements dans la région mais aussi par leur présence militaire omniprésente depuis 2001. La guerre contre le terrorisme a été la raison principale d’accord militaires avec la première puissance mondiale, d’autant plus que le Mouvement Islamiste d’Ouzbékistan (MIO) est de mieux en mieux implanté dans la région. Les aides financières des Etats-Unis contribuent au développement économique des populations et constituent une présence stabilisatrice pour les toutes nouvelles républiques en voie de démocratisation de l’ex-URSS. . L’intérêt des Etats-Unis est donc triple : la maîtrise de l’Asie Centrale est bien sur un poste d’observation (militaire) stratégique entre la menace Iranienne, la puissance Russe et l’arrivée de la Chine sur la scène internationale tout en ayant la main sur des ressources énergétiques majeures et en fournissant une aide intéressée en s’immisçant dans la politique intérieur de ces pays !


II Des jeunes Républiques aux intérêts partagés
L’Asie Centrale est une mosaïque culturelle et linguistique d’une grande diversité où se mélange russes, allemands, population de langues turcophones et persanes (Tadjik) - voir carte des groupes ethniques en Asie Centrale. Mais la chute de l’URSS et l’indépendance politique donnée aux nouvelles républiques a profondément bouleversé ces sociétés par le découpage territorial opéré et par les différentes politiques nationales. De nombreuses populations se sont retrouvées en minorité dans leur nouvel état et la paix qui régnait entre les diverses communautés a fait place à de nombreuses tensions. A Tachkent, ville multi-ethnique, le gouvernement Ouzbèk a prit soin d’unifier le pays et de nombreuses minorités sont partis en Russie ou aux Etats-Unis après la multiplication des actes xénophobes. Les kirghizes constituent tout juste la moitié de la population du Kirghizistan et seulement 25% dans la capitale Bichkek au nord du pays. Après 1991, de nombreux mouvements de populations ont animées la région, près de 600 000 russes et allemands ont quitté le Kirghizistan et le Tadjikistan et de nombreuses minorités se sont déplacées.
Les tensions sont palpables entre les différents états et notamment à causes de différents territoriaux. L’exemple le plus significatif est le découpage de la vallée du Ferghana où les frontières kirghizes, ouzbèks et tadjiks s’imbriquent de façon complexe avec de nombreuses enclaves sans tenir compte aucunement des données naturelles ! Les 2 pays bordant la Chine ont également dus céder une partie de leur territoire au géant asiatique pour intégrer les populations ouïgours à la province du Xinjiang.

La question des ressources en eau est également un enjeu vital pour ces pays arides. Et c’est sur cette ressource que les rapports de force s’inversent. Le Kirghizistan et le Tadjikistan, fortement dépendant des autres républiques pour leur apport énergétique, constituent des châteaux d’eau d’où naissent 2 rivières majeures qui irriguent les plaines d’Asie Centrale : l’Amou-Daria et le Syr-Daria. Ces 2 cours d’eau ont été intensément aménagés pour permettre l’accroissement des surfaces irriguées durant l’époque soviétique. L’Ouzbékistan est ainsi devenu le 4ème producteur mondial de coton et les 4 autres pays produisent des cultures maraîchères en plein désert. Mais aujourd’hui l’Amou-Daria et le Syr-Daria n’arrivent même plus à leur embouchure en mer d’Aral tellement les prélèvement furent excessifs. Dans les années 60 le gigantesque canal de Karakoum fut construit à partir de l’Amou Daria pour irriguer les plaines du Turkménistan qui voulait lui aussi sa part de « l’or bleu ». Ce canal constitue un prélèvement de quelques 11 milliards de m³ d’eau chaque année dont 50% est perdue faute d’entretien du canal ! La mer d’Aral a ainsi perdu 80% de son volume depuis 1960. Depuis 2005 un barrage à permis de faire augmenter la hauteur d’eau de 30 à 38 mètres dans la petite Aral en territoire kazakh, mais le gouvernement de Tachkent ne semble pas près de limiter sa consommation en eau au profit des champs de coton. Le Tadjikistan essaie pourtant de promouvoir une gestion commune avec ses voisins des ressources hydriques de la région notamment lors d’une conférence internationale sur le thème de l’eau qui c’est tenu dans la capitale en 2003.

Malgré de grandes disparités politiques et économiques les états d’Asie Centrale essaient de promouvoir une intégration régionale à travers l’Organisation de coopération de Shanghai qui les réunissent (excepté le Turkménistan) à la Russie et à la Chine. Mais des divergences subsistent sur le sens à donner à cette organisation selon les pays : une coopération économique ou militaire ? Reste à savoir comment les nouveaux états indépendants vont réussir à faire entendre leur voix face aux deux géants russe et chinois !


L'Asie Centrale : Un espace pluriel et convoité



Les Républiques d’Asie Centrale sont au cœur des grands enjeux du continent à savoir la gestion de leurs ressources naturelles, ou la montée de l’islamisme radicale. Les sociétés se transforment tout autant que les villes à l’image des richesses de Riyad ou Dubaï par des constructions modernes et futuristes délaissant l’héritage russe dans les pays rentiers de ressources naturelles. Les tensions entres communautés ne font pas oublier que la démocratie mettra du temps à s’implanter pour que les différents peuples et religions vivent ensembles sans s’affronter. Ce sont également des pays aux économies fragiles et non durables (pétrole, cultures) qui vont devoir s’adapter pour s’intégrer au mieux, malgré l’enclavement, au marché mondial. Le défi du développement humain n’est pas encore relevé malgré l’émergence d’une classe opulente enrichi grâce aux ressources du sous-sol !

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4.7.08

Devenir des terres maories autour du traité de Waitangi

Les douces collines verdoyantes baignant les eaux tièdes de la Bay of Islands n'ont pas toujours été aussi calmes. Le Northland est une province heureuse où le temps semble s'être arrêté et il semble bien loin le temps des conflits territoriaux et des évènements qui ont animés cette région de Nouvelle-Zélande considérée comme "le berceau du pays". En effet, quasiment toute l'Histoire du pays est gravée dans la mémoire du Northland de l'installation de la 1ère colonie aux revendications du peuple maori en passant par l'établissement du premier gouvernement à Russell.


Le Nord du pays devînt tout d'abord la terre des Maoris avant de connaître les premières installations permanantes d'Européens en 1769 après le passage du navigateur James Cook dans la Bay of Islands (La Nouvelle-Zélande fut découverte par le hollendais Abel Tasman en 1642 qui séjournera 3 semaines dans l'île du Sud au cours desquelles une altercation avec des maoris coûta la vie à 4 de ses hommes). Commence alors la tumultueuse cohabitation entre les indigènes et les nouveaux venues : les pakehas. Même si les européens ne se pressaient sur cette terre du bout du monde, les quelques milliers de pakehas allaient bouleverser la vie des 120 000 maoris (en 1769) avec l'apport de maladies exogènes et des armes à feu. Les maoris sont une société perpétuellement en guerre et l'introduction des armes à feu va provoquer un véritable massacre lors des guerres des mousquets dans les année 1820.

Devant la nécessité de rêgler légitimement le droit de la Terre dans la colonie et la conqurance croissante avec les autres puissances coloniales (états-uniennes et française), le gouvernement britannique allait sceller pour longtemps l'avenir du pays par le Waitangi treaty. Ce document fondateur fut signé entre quelques colons britanniques et 45 chefs maoris dans la Bay of Islands le 6 Février 1840. Le traité circula ensuite dans tout le pays pour être signé par 500 maoris. Cet acte devait garantir la souveraineté britannique sur la Nouvelle-Zélande en protégeant les intérêts maoris. Cependant le traité souffra d'un profond désaccord d'interprétation entre anglais et maoris, la version traduite du texte en maori ne signifiant pas les intentions des anglais et ce qui aboutit finalement à la réduction des terres maoris. Après des années d'études des 2 versions du traité, il ne semble pas que l'intention des colons étaient de tromper les maoris mais que la notion de terre et de propriété était si différente entre les 2 sociétés qu'elle conduit à 2 interprétations différentes. (Lire le Traité)

La pression foncière s'intensifia avec l'arrivée continue de migrants britanniques à qui le gouvernement accordaient des propriétés en dépit des terres maories, c'est pourquoi une véritable guerre territoriale éclata en 1860. Quand l'oppositon maorie s'effondra 9 ans plus tard le gouvernement confisqua 12 000 km² de terres et anima pendant longtemps l'injustice vécue par les autochtones.

Les terres des maoris ont été largement confisquées et c'est pourquoi le tribunal de Waitangi traitant des confiscations territoriales maoris fut créé en 1975. Il s'appuie toujours sur les articles du traité pour évaluer les préjudices fait aux maoris qui ne seraient pas en accord avec le traité. Les réclamations maories furent crucial dans le domaine de la pêche après que des lois draconiennes sacrifièrent une partie des pêcheries du pays au profit de la protection de l'environnement (La Nouvelle-Zélande a aujourd'hui des ressources marines les mieux protégées du monde). Les maoris réclamèrent le droit de bénéficier de quotas supplémentaires pour faire vivre certaines communautées très dépendantes de la mer particulièrement dans le Northland et les Marlborough Sounds.


Les maoris en Nouvelle-Zélande

80% des maoris vivent en ville principalement à Auckland qui compte 25% de la population maorie du pays ainsi que dans les villes du Waikato et de la Bay of Plenty. Cette minorité est historiquement présente dans l'île du Nord par où ils arrivèrent en Nouvelle-Zélande. La proportion des maoris dans la population est la plus importante dans la région la plus isolée et la moins mise en valeur par les européens : Gisborne où presque un habitant sur deux est maori. Depuis les années 80 la population maorie semble quitter les grandes villes pour retourner dans leur contrée ancestrale, Gisborne et le Northland enregistre le plus grand nombre de retour.

Etude précise de la démographie maorie en 1991
Découvrir le site de Waitangi

Localisation de la Bay of Islands